L’annonce que venait de me faire Gladys ne cessait de résonner dans mon esprit tel un écho. Je venais de prendre une douche rapide et étais en train de me chausser quand j’entendis quelqu’un toquer à la porte : c’était certainement Gladys.
J’ouvris la porte, celle-ci pénétra en trombe :
-Et si tu me disais ce qui s’est passé hier ? Pourquoi au téléphone t’es-tu sentie coupable ? Questionna-t-elle en guise de salutation.
Je finis de boutonner ma chemise, elle avait déjà pris place dans le canapé.
-Eh bien figure toi qu’hier soir, alors que Georges me raccompagnait j’ai trouvé Michel à la maison. Il a trouvé la clé sous le paillasson et est entré, j’étais…
-Attends… Quoi ? Tu es sortie avec Georges hier et tu ne m’as même pas dit ? M’interrompit-elle en s’asseyant en tailleur.
-Oui, je suis sortie avec Georges hier, on était au cercle, je t’ai d’ailleurs écrit un message mais tu n’as pas répondu et puis ne me distrais pas… On parlera de ça plus tard. Bref, je l’ai trouvé à la maison il disait avoir des explications à me donner par rapport à tout ce qui s’est passé et puis vers 01 heure quand il a fini de me dire ce qu’il avait à dire je lui ai dit de rentrer chez lui. Tout simplement.
Gladys était toujours assise en tailleur, je tripotais nerveusement le manche de ma chemise.
-Oh la la Samy… Qu’est-ce que tu es vilaine… Tu l’as mis à la porte comme ça à 01 heure du matin ?
Je restais muette. Son téléphone se mit à sonner, elle regarda l’écran puis me dit « C’est Simone » je me mis à paniquer, j’avais peur qu’elle n’appelle pour annoncer une mauvaise nouvelle.
-Mets le haut-parleur intimai-je à Gladys.
Celle-ci fit mine de n’avoir pas entendu et porta l’appareil à son oreille. Je ne pouvais rien entendre de la conversation entre Simone et elle et à dire vrai ça m’agaçait. Penser que Michel était à l’hôpital dans un état critique parce que à une heure du matin je l’avais sommé de rentrer chez lui me culpabilisait. L’attente était interminable et Gladys ne laissait s’échapper aucune émotion, elle reste placide et muette, écoutant attentivement Simone à l’autre bout du fil. Elle raccrocha enfin. J’avais fini de m’apprêter et avais déjà accroché mon sac-à-main à l’épaule, nous pouvions enfin aller du côté de l’Hôpital général pour voir Michel.
-Plus de peur que de mal lança Gladys après avoir raccroché.
Je sentis mes épaules se relâcher, un sentiment de soulagement m’apaisa.
-Comment ça fis-je incrédule.
-Il n’a rien eu de grave. Il aurait pris une moto de chez toi jusqu’à Santa Barbara mais arrivé à destination la moto n’a pas su éviter un nid-de-poule et il s’est retrouvé au sol avec une entorse au bras.
J’avais déjà ôté mes chaussures et déboutonné ma chemise.
Qu’est-ce que je me sentais bien maintenant, après ce moment stressant que je venais de passer.
-Bon, fit Gladys, qu’est-ce qu’il t’a donné comme explication ? Et, ajouta celle-ci avec un sourire espiègle, si tu me racontais ta soirée avec Georges ?
Je fis un tour à la cuisine d’où je revins avec un verre d’eau et m’assis en tailleur face à elle sur le canapé avant de commencer mon récit, de mon rendez-vous presque-charmant-je-ne sais-quelles-sont-les-intentions-de-Georges à ma confrontation avec Michel. Bizarrement, Gladys était plus excitée à l’idée de savoir plus sur Georges que sur ce que je ressentais vis-à-vis des explications que Michel m’avait donné. Cependant, je ne saurais dire plus, j’avais passé un agréable moment en sa compagnie mais ce n’était pas synonyme de nous-allons-nous-marier-la-semaine-prochaine ou de quoi que ce soit d’autre. Sur ce coup, valait mieux laisser le temps faire son travail.
Nous avons donc passé toute la matinée à bavarder et à manger des graines d’arachides (il me semble qu’ailleurs on appelle cela « cacahuète » et, quand 13h sonna, Gladys proposa qu’on aille faire un tour en ville (elle voulait acheter un petit tapis pour le salon de Claude) et proposait qu’après on s’achète des glaces et qu’on rentre chez moi pour regarder Being Mary Jane. C’était un programme plutôt cool et je ne me fis pas prier.
Il faisait une chaleur de malade et yaoundé comme d’habitude était bondé d’embouteillages à rendre fou. Les voitures formaient une longue chaine multicolore et les chauffeurs criaient des injures à tout va. Je transpirais sous ma chemise et je ne pouvais pas faire descendre la vitre de ma portière puisque, comme la quasi-totalité des taxis de la capitale, celui-ci n’était plus équipé de la manivelle servant à baisser les vitres. Gladys quant à elle était coincée entre un gros monsieur qui transpirait à grosses gouttes et moi. Après avoir passé 45 minutes coincées dans ce taxi à cuire comme du pain au four, nous arrivâmes enfin devant Arno.
Arno était une grande surface spécialisée en ameublement, décoration et électroménager. La climatisation me fit du bien, tandis que Gladys arpentait les rayons avec enthousiasme je ne pensais qu’à m’affaler dans un des canapés qui étaient en vente. On arriva enfin au rayon tapisserie qui offrait un large choix de tapis. Il y avait à peu près tous les types de tapis : les grands, les moyens, les petits, les tapis épais, les classiques, les contemporainsLes multicolores, les minimalistes, etc.
-J’en veux un de taille moyenne, blanc et noir ou alors tout blanc…
Gladys était en train de parler à un vendeur du magasin tandis que je m’étais éloignée pour jeter un coup d’œil aux lampes.
-Vous voyez, les tapis qui ont des espèces de poils… Montrez-moi plutôt ceux-là, disait Gladys à quelques mètres de moi.
Pendant de ce temps, je jetai mon dévolu sur une petite lampe de chevet toute simple, orange avec un abat-jour de la même couleur. Je regardai le prix, elle était en soldée à 4250 Francs CFA TTC, c’était plutôt une belle affaire. Je jetai alors un coup d’œil dans mon porte-monnaie je n’avais que 3500 Francs CFA. Je la pris néanmoins et allai rejoindre Gladys.
-Finalement j’en ai pris un de couleur, le jaune là-bas, fit celle-ci en me montrant du doigt un tapis d’un jaune fluo criard, je le voyais mal se marier avec le salon en cuir de Claude Je fis une moue de désapprobation et elle d’ajouter :
-Noooon je déconne, j’ai pris un blanc avec des poils, le vendeur est parti me le mettre de côté. Puisqu’on va d’abord aller acheter des glaces, pour éviter d’être encombrées. Ah, tu vas prendre une lampe remarqua-t-elle enfin.
-Oui, d’ailleurs j’ai besoin que tu la paies pour moi je te rembourserai à la maison, je ne suis pas sortie avec assez d’argent.
-Okay fit Gladys en se tournant et en se dirigeant vers l’entrée où il y avait les caissières.
A l’extérieur du magasin, la chaleur nous accueillit tandis que nous nous dirigions vers un restaurant-glacier non loin de là. Avec cette chaleur, une bonne glace au chocolat serait la bienvenue. Tout en marchant en direction du glacier, une fois de plus, Gladys revint sur mon rendez-vous avec Georges
-Je ne sais pas, mais quelque chose me dit que c’est surement le début d’un « truc » avec lui fit-elle en s’essuyant le front avec un mouchoir de poche.
-Mmmm fis-je à mon tour, ne t’emballe pas trop… Ce n’était peut-être rien d’autre qu’un banal rendez-vous entre « amis ».
Je disais cela mais j’espérais le contraire, pour tout vous dire Georges me plaisait bien et ça ne me dérangerait pas de tenter quelque chose avec lui. Mais jusque-là je ne pouvais pas savoir s’il avait les mêmes intentions que moi donc je préférais ne pas prendre tout cela très au sérieux et attendre que le temps fasse son travail.
Nous arrivâmes enfin au cedol tavi d’où s’échappaient de bonnes odeurs de frites de banane-plantain et de poulet rôti. Je sortis mon téléphone de ma poche pour regarder l’heure, il était très exactement 14h20 et yaoundé parlait en klaxons de voiture et bruits de baffles des boutiques qui rivalisaient d’animation. Nous nous dirigeâmes vers les vendeuses de glace pour passer la commande. Une glace au chocolat pour moi et une au chewing-gum pour Gladys. Alors que nous nous tournions pour nous diriger vers une table, j’entrai en collision avec une femme âgée d’une cinquantaine d’années. Celle-ci portait une chemise blanche que je venais de tacher avec ma glace, une boule avait achevé sa chute sur son pieds.
-Non mais vous pouvez faire attention tout de même fit-elle énervée en arrachant le mouchoir que Gladys lui tendait.
-Je suis désolée mais c’est vous qui m’êtes rentrée dedans, vous étiez derrière moi et à peine me suis-je retournée que vous étiez là, je ne pouvais pas vous voir.
-Si, vous pouviez très bien vérifier derrière vous avant de vous tourner, les jeunes d’aujourd’hui vraiment vous êtes si mal éduqués…
Non mais pour qui elle se prenait de me parler de la sorte, si ma glace s’était écrasée sur sa poitrine c’était clairement de sa faute. Je ne pouvais pas savoir qu’il y avait quelqu’un derrière moi et puis elle n’était pas obligée de me coller de la sorte.
-D’abord vous n’avez pas le droit de me dire que je suis mal éduquée ensuite…
Je fus interrompue par l’irruption d’une silhouette que je connaissais bien, c’était Georges.
-Hey Sam dit-il quand il me vit. Ah maman, fit-il quand la dame qui me faisait face se retourna, mais qu’est-ce qui est arrivé à ta chemise ?
-Georges, tu connais cette fille détestable ?
La dame se retourna vers moi avec un regard assassin, c’était visiblement la mère de Georges.
Oups.
A suivre…