Je suis une funambule

         Au dessus de moi le ciel, bleu, immense. En dessous de moi le vide, profond, immense et pas si vide que ça car il y a un sol, mais le sol est si lointain, que le vide parait très vide. Entre les deux une corde fine et sur la corde, moi. Je suis une funambule, littéralement. Une funambule qui n’a pas appris son art, une funambule de circonstance.  La vie fait de nous des funambules. Elle nous oblige à passer par des ponts haut perchés, des ponts qui peuvent basculer à n’importe quel moment. De l’autre coté de la corde, je vois la terre ferme. J’essaie de rester attentive, de maintenir le cap. Mais je vous l’ai dit je suis une funambule de circonstance, je n’ai jamais appris le funambulisme. Donc je marche doucement, en essayant de ne pas regarder vers le bas, dans le vide,  en essayant de rester en équilibre sur la corde qui s’affine et s’élargit selon son humeur.  Quand la corde s’élargit, je vais bien, du moins je vais mieux, parce que je sais qu’il est plus aisé d’avancer ainsi. Mais lorsqu’elle décide de s’affiner je vais moins bien car je sens l’imminence du danger, et ces derniers temps la corde ne fait que s’affiner. Si je perds  l’équilibre  je vais tomber, alors je fixe un point imaginaire de l’autre coté et j’essaie d’être courageuse. La suspension dans le vide a bien trop duré. Plus le temps passe plus j’ai l’impression que bout de la corde s’éloigne et avec lui mon salut. La corde balance, elle me met à l’épreuve. Je me bats pour rester en équilibre. Je dois rester en équilibre, c’est une nécessité.

              Le funambulisme est une activité intrinsèquement solitaire. La vie nous oblige à être des funambules, elle nous oblige ainsi à affronter certaines situations seuls, elle nous oblige à être des solitaires. Il y a des choses comme ça, que l’on doit nécessairement faire seul, c’est dans leur nature. Car si on peut traverser un pont, une corde avec des gens, même en se tenant par la main, l’expérience demeure profondément personnelle. Le funambule n’a donc autre choix que de faire l’expérience de la solitude, il ne peut pas faire autrement. C’est dans l’ordre des choses. Il doit être attentif, il doit être courageux pour ne surtout pas perdre l’équilibre. Le funambule sur la corde ne peut compter que sur lui, la traversée ne peut être faite que par lui. Tout ce qui est externe peut d’ailleurs s’avérer être une distraction, or le funambule ne doit surtout pas être distrait. C’est une nécessité, les enjeux sont énormes. Soit il réussit à atteindre la terre ferme, soit il finit par tomber. Car on ne peut pas rester suspendu dans le vide éternellement, cette issue n’est pas possible. Soit on atteint la terre ferme, soit on tombe. C’est soit l’un, soit l’autre.

         J’ai peur du vide mais surtout de ce qu’il y a après le vide. En soi, ce n’est pas vraiment la chute encore moins le vide qui représente le danger mais son après et surtout sa profondeur. Car après le vide il y’a le sol  et plus le vide est profond plus la rencontre avec le sol est périlleuse. Si je tombe dans le vide inéluctablement je vais m’écraser contre le sol, et ce vide là est très profond. Je dois donc rester en équilibre sur cette petite corde et continuer à avancer jusqu’à ce que j’atteigne la terre ferme de l’autre coté. Je suis une funambule, entre le ciel et le vide, il y a moi sur une corde. Et je ne dois surtout pas tomber.

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